Sonnet précédent - Sonnet suivant

1                    Artifice étonnant, vaste témérité !
  2                    Les mortels se sont fait des maisons vagabondes,      
3                    Et d’un trafic douteux cherchant l’utilité           
4                    Sur le fier élément traverse[nt] les deux mondes.      
5                    Un vaisseau jusqu’au ciel, par les flots, est porté,    
6                    Puis, tout-à-coup, il cède au caprice des ondes,   
7                    Et, jusques dans l’abîme étant précipité,        
  8                    Il est comme englouti dans les vagues profondes.  
9                    Ah ! Si ardente soif d’acquérir des trésors,        
  10                  Dangereux aux vivants, inutiles aux morts,        
11                  Fait quitter la patrie et braver la mort même.
12                  Chrétien, ne dois-tu pas, par des projets plus hauts,     
  13                  Pour gagner les trésors de la gloire suprême
14                  Quitter les biens du siècle et braver tous les maux ?
Annotations de Drelincourt :
Ligne 2 : Les anciens, ignorant la boussole, n’étaient que des enfants en la navigation.
Ligne 3 : « La convoitise du gain a inventé les navires. », dit l’auteur du livre de la Sagesse.
Ligne 11 : Anacharsis disait de ceux qui sont sur la mer qu’il n’y avait que l’épaisseur d’une planche entre eux et la mort, et il balançait [1] à les conter entre les vivants.
Ligne 14 : « Avec quel travail et quelle peine ne mérite pas d’être acquis le repos qui ne finira jamais. » (Saint Augustin)
[1] peser ; ici peut-être au sens de : hésiter
Télécharger la version telle que publiée en 1680